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Covid-19 : le contrôle des investissements étrangers renforcé, les biotechnologies désormais soumises à autorisation préalable

Public - Droit public des affaires
Affaires - International
06/05/2020
Ainsi que l’avait annoncé Bruno Le Maire le 29 avril dernier, le filtrage des investissements étrangers a de nouveau été renforcé par un arrêté ajoutant les biotechnologies à la liste des secteurs devant faire l’objet d’une approbation du ministre chargé de l’économie. Un texte certes succinct, mais qui en dit long sur l’actuelle politique française toujours plus protectionniste en cette période de crise sanitaire, et qui devrait être suivi très prochainement d’une nouvelle mesure de contrôle.
L’arrêté du 27 avril 2020 relatif aux investissements étrangers en France, publié au Journal officiel du 30 avril 2020 (NOR : ECOT2010256A) complète la liste des « technologies critiques » protégées en vertu de l’article 6 de l’arrêté du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France (NOR : ECOT1937237A), en ajoutant les biotechnologies aux sept secteurs concernés jusqu’à présent (la cybersécurité, l'intelligence artificielle, la robotique, la fabrication additive, les semi-conducteurs, les technologies quantiques et le stockage d'énergie).
 
Toutes les biotechnologies comptent donc désormais à la longue liste des investissements étrangers soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie sur la base de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, ce qui concerne « plusieurs milliers d’entreprises, dont certaines participent à la recherche sur les vaccins contre le Covid-19 », ainsi que l’a précisé le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire.
 
Une prochaine mesure annoncée
 
Cet arrêté est une nouvelle manifestation du protectionnisme accru et pleinement assumé par le gouvernement français en cette période de crise sanitaire. En effet, le contrôle des investissements directs étrangers dans les activités de nature à porter atteinte aux intérêts de la défense nationale semble actuellement décuplé, ainsi que l’illustre l’annonce faite par Bruno Le Maire, le 29 avril dernier, de l’adoption prochaine d’un texte visant à abaisser à 10 % le seuil de contrôle pour les investisseurs acquérant des parts dans une entreprise française, et ce jusqu’au 31 décembre 2020.
 
Pour rappel, une entreprise française est considérée comme étant sous contrôle étranger lorsqu’un investisseur hors Union européenne acquiert plus de 25 % de son capital ou des droits de vote (C. mon. fin., art. R. 151-2 ; D. n° 2019-1590, 31 déc. 2019, JO 1er janv. 2020 ; Arr. 31 déc. 2019, NOR : ECOT1937237A, JO 1er janv. 2020 ; lire Investissement étranger en France : parution du décret d’application, Actualités du droit, 8 janv. 2020), ce qui déclenche alors la procédure de contrôle. Autrement dit, une fois le texte adopté, la prise de participation par un acteur non européen dans une entreprise française devra être notifié et faire l’objet d’une autorisation préalable dès 10 %, et non plus 25 %.

Une nouvelle adaptation des règles applicables qui s’ajoutera à la longue liste des mesures temporaires visant à contrer les effets négatifs de l’épidémie de coronavirus sur les intérêts nationaux. Cette politique française s’inscrit par ailleurs dans la lignée de la politique économique et monétaire européenne, puisque la Commission a récemment publié une communication comportant des orientations à l’intention des États membres concernant les investissements directs étrangers et la libre circulation des capitaux provenant de pays tiers ainsi que la protection des actifs stratégiques européens, par laquelle elle encourageait les États membres à adopter « des outils de filtrage appropriés » afin d’éviter, en période de Covid-19, des prises de contrôle massives par des investisseurs étrangers d’entreprises européennes dans des secteurs présentant « un risque pour la sécurité ou l’ordre public dans l’UE » (Comm. UE, 26 mars 2020, communication 2020/C 99 I/01 ; lire Covid-19 et investissements directs étrangers : la Commission européenne appelle à la vigilance, Actualités du droit, 1er avr. 2020).
 
De nombreux secteurs protégés
 
Rappelons enfin que les « technologies critiques » susvisées ne sont pas les seuls secteurs protégés par le régime français relatifs aux investissements étrangers. En effet, l’article L. 151-3 du code monétaire et financier soumet à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investissements étrangers dans des activités participant « à l'exercice de l'autorité publique », ou « de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale » (a), ou « de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives » (b).
 
Ces « activités » recouvrent ainsi de nombreux secteurs, dont la liste figure à l’article R. 151-3 du code monétaire et financier. C’est le III, 1° de cet article qui mentionne les technologies critiques détaillées à l'article 6 de l’arrêté précité du 31 décembre 2019, mais plus globalement, tous les secteurs stratégiques considérés comme sensibles, puisque touchant aux intérêts essentiels du pays, sont concernés : eau, énergie, transports, santé publique, communications électroniques, sécurité des systèmes d'information, opération spatiales, etc.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements détaillés sur les règles applicables en matière d’investissements étrangers en France, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 545 et suivants.
Plus spécifiquement, sur le régime de l’autorisation préalable, voir les nos 606-1 et suivants.
 
Sur les investissements étrangers, lire également :
Investissement étranger réalisé par un fonds d'investissement : que doit mentionner la demande d’autorisation préalable ?, Actualités du droit, 27 avr. 2020 ;
– Covid-19 et investissements directs étrangers : la Commission européenne appelle à la vigilance, Actualités du droit, 1er avr. 2020 ;
– Investissement étranger en France : parution du décret d’application, Actualités du droit, 8 janv. 2020 ;
– Loi PACTE : renforcement de la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers en France, Actualités du droit, 23 mai 2019 ;
– Filtrage des investissements étrangers : le règlement européen est entré en vigueur, Actualités du droit, 15 avr. 2019 ;
– Filtrage des investissements : l’Europe avance rapidement, Actualités du droit, 14 févr. 2019 ;
– Filtrage des investissements étrangers : de nouveaux secteurs stratégiques placés sous la protection de Bercy, Actualités du droit, 12 déc. 2018 ;
– Protection des actifs stratégiques : accord politique européen sur un dispositif de filtrage des investissements étrangers, Actualités du droit, 21 nov. 2018 ;
– La Commission européenne propose un nouveau cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers, Actualités du droit, 20 sept. 2017.
Source : Actualités du droit