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Coup d’envoi de la Commission européenne pour la première enchère pilote relative aux projets de production d’hydrogène vert

Environnement & qualité - Environnement
06/12/2023
Lors d’une allocution donnée publiquement le 20 novembre 2023 au cours de la Semaine européenne de l’hydrogène, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, parmi les différentes annonces relatives au développement de l’hydrogène en Europe, a réaffirmé le lancement imminent d’une enchère pilote. Cette dernière, portée par la Banque européenne de l’hydrogène et financée par le Fonds pour l’innovation, attribuera une enveloppe de 800 millions d’euros aux futurs lauréats porteurs de projets de production d’hydrogène renouvelable.
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris Dauphine-PSL
 
La procédure d’enchère
 
Dans le cadre de l’enchère, les porteurs de projets de production d’hydrogène renouvelable, également appelé hydrogène vert, auront l’opportunité de soumettre une candidature jusqu’au 8 février 2024. À l’issue de l’appel d’offres, les projets retenus se verront gratifiés d’une subvention revêtant la forme d’une prime fixe par kilogramme d’hydrogène vert produit. Les conventions de subvention (ou contrats à prime fixe) conclues à l’issue de la procédure seront signées pour une période pouvant aller jusqu’à 10 ans. Les lauréats de l’enchère recevront donc une rémunération en plus de leur propres revenus tirés de la vente de ce gaz.
 
Le mécanisme d’enchère appelé « enchère basse » ou enchère inversée, a débuté le 23 novembre 2023. Cette dernière en appellera une seconde au printemps 2024, d’un montant de 2,2 milliards d’euros et portant l’enveloppe totale à hauteur de 3 milliards d’euros. Par ailleurs, la procédure d’enchère est empruntée au cadre posé lors de la révision de la directive 2003/87/CE établissant le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre et le règlement (UE) n° 1031/2010 relatif aux aspects de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Le Fonds pour l’innovation qui a levé les sommes allouées trouve également sa source dans le système d’échange de quotas.
 
Créé par l’article 10 bis, § 8 de la directive 2003/87/CE, le Fonds pour l’innovation est un programme de financement lancé par la Commission pour la commercialisation et le déploiement de technologies énergétiques à faible émission de carbone. Ce dernier dispose d’une enveloppe de 40 milliards d’euros sur la période 2020-2030. Par son biais, l’institution européenne dispose d’un portefeuille de mécanismes de soutien dont l’enchère fait nouvellement partie.
 
La Commission a fixé le prix plafond d’hydrogène renouvelable dans le cadre de l’enchère à hauteur de 4,5 euros/kg. En deçà de ce dernier, les participants à l’enchère en capacité d’offrir un prix inférieur, et qui répondront aux critères d’exigences de l’appel d’offres seront classés de plus bas au plus élevé jusqu’à l’épuisement du budget total. L’enveloppe de 800 millions d’euros sera répartie entre les prix retenus dans la limite d’un tiers de la somme totale par projet de production, c’est-à-dire jusqu’à 266,7 millions d’euros pour un seul et même projet. Ces statistiques encourageantes demeurent toutefois à relativiser au regard du budget total que porte le fonds d’innovation à l’origine du projet qui s’élève à plus de 40 milliards d’euros.
 
L’enchère pilote : entre effet d’annonce et réaction en chaîne
 
Si la Commission a lancé le processus, c’est en premier lieu afin d’accélérer la décarbonation du marché dans un secteur où les coûts de production restent élevés :  la prime offerte à chaque lauréat a pour principal but de combler l’écart entre le coût de production de l’hydrogène vert et celui que les consommateurs seront disposés à payer.
 
La Commission européenne à l’initiative pour combler les carences économiques de la production d’hydrogène
 
Une enchère pilote a pour fonction principale de stimuler l’investissement privé relatif à la production d’hydrogène renouvelable dans l’optique plus globale d’atteindre les objectifs de production de 10 millions de tonnes d’hydrogène d’ici à 2030 dans le cadre du plan REPower EU (sur ce plan, v. REPowerEU : la réponse énergétique européenne à l’invasion russe en Ukraine, Actualités du droit, 30 mars 2022). En second lieu, et au-delà d’un simple effet d’annonce, c’est aussi afin de permettre aux acteurs du marché d’obtenir des indices de coûts de production clairs et transparents concernant les projets de productions d’hydrogène renouvelables qui seront soutenus.
 
Sur le marché, les coûts de la production actuelle de l’hydrogène vert au kilogramme restent en effet élevés : ils se situent en moyenne aux alentours de 5 euros/kg, pour environ 1,5 à 2 euros/kg pour l’hydrogène gris. Par ailleurs, les réticences persistantes à l’investissement sont aussi dues aux caractéristiques chimiques de l’hydrogène : sa volatilité pose toujours la question des difficultés de stockage et du coût de la transition du réseau de transport de gaz au niveau national.
 
C’est par conséquent grâce à une feuille de route tracée et établie que la Commission propose de combler les lacunes économiques qui peinent encore à susciter l’adhésion des investisseurs et porteurs de projets de la viabilité économique de la production de ce gaz, afin de définitivement « combler le déficit des investissements initiaux ».
 
Une enchère portée par la Banque européenne de l’hydrogène
 
Frans Timmermans, premier vice-président exécutif de la Commission soulignait déjà lors de l’annonce de la création de la Banque européenne de l’hydrogène en mars 2023 que seulement « 10 % des projets relatifs à l’hydrogène font l’objet d’une décision finale d’investissement ». C’est sans doute pour pallier cette carence que la Commission a souhaité lancer ce type de mécanisme : afin d’aboutir à une production pérenne de l’hydrogène renouvelable.
 
Les enchères sont en outre portées par la CINEA (European climate, Infrastructure and Environment Executive Agency [Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l'environnement]) qui a organisé le 30 novembre 2023 une journée d’information destinée aux porteurs de projets candidats afin de leur permettre de se renseigner avec précision sur les critères d’appréciation de l’enchère.
 
La création de la Banque européenne de l’hydrogène interroge aussi l’émergence à terme d’un véritable marché de l’hydrogène. L’organe créé par la Commission poursuit l’objectif principal de dessiner les prémices d’un marché transparent et viable au sein de l’espace économique européen. L’appréciation de viabilité économique d’un projet apparait donc primordiale pour un secteur qui peine encore à répondre à de telles attentes. Sur le plan national, le Code de l’énergie, au-delà de définir les différents modes de production rattachés à l’hydrogène, prévoit par exemple un critère de viabilité économique et un bilan carbone convaincant de l’installation pour que les projets lauréats répondent aux critères de sélection dans le cadre d’une mise en concurrence de ces derniers.
 
Un point de fixation pour les partenaires internationaux, producteurs et exportateurs
 
À l’origine des soutiens financiers, la Banque européenne de l’hydrogène se positionne en outre comme partenaire international des producteurs d’hydrogène à l’étranger. Les producteurs d’hydrogène vert comme plusieurs pays d’Amérique du Sud ou le Kazakhstan doivent se tourner vers le verdissement d’un hydrogène propre pour lequel ils disposent d’un potentiel important comme l’a rappelé la présidente de l’institution bruxelloise. Un accord a par exemple été conclu avec le gouvernement brésilien dans le but de soutenir la construction d’une installation d’hydrogène vert de 10 GW pour plus de 2 milliards d’euros investis dans la chaîne de valeurs de l’hydrogène au Brésil.
 
Ce type d’initiative à l’échelle européenne traduit une volonté croissante de la Commission de stimuler les investissements privés, pour une énergie dont les coûts de production auxquels les acteurs sont exposés restent encore élevés comparativement aux autres modes de production d’énergie renouvelables. Le résultat de cette première enchère sera donc l’occasion pour la Commission d’offrir un premier signal fort aux investisseurs encore réticents : fixer un point de rencontre majeur afin d’établir l’Europe en tant que leader du secteur et « relier la demande et l’offre d’hydrogène propre ».
 
La Semaine européenne de l’hydrogène qui s’est déroulée du 20 au 24 novembre 2023, a pour objet principal de réunir l’ensemble des acteurs du secteur de l’hydrogène et d’autoriser un dialogue, non seulement en Europe, mais également avec les partenaires importateurs internationaux.
 
Rédigé par Nathan Mineur, étudiant du Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris-Dauphine-PSL
Source : Actualités du droit