Retour aux articles

Recherche en intelligence artificielle : le point sur le partenariat de Renault et de l’École des Ponts Paris Tech

Transport - Logistique
05/12/2023
Le groupe Renault renforce son partenariat avec l’École des Ponts Paris Tech. Objectif : relever les défis de la digitalisation grâce à la recherche en intelligence artificielle. Denis Le Vot, directeur supply chain du constructeur, détaille les tenants et aboutissants de ce partenariat académique d’envergure.  
Bulletin des transports : Renault a noué un partenariat de recherche avec l’École des Ponts Paris-Tech. Pourquoi ?
Denis Le Vot : La supply-chain du groupe Renault travaille avec l’École des Ponts Paris Tech depuis 2018. Nous avons décidé de renforcer ce partenariat pour les 5 prochaines années car nous sommes entrés dans une zone concrète où un industriel est capable, non seulement de parler, mais de développer avec une instance académique, l’École des Ponts, les solutions opérationnelles qu’il utilise chaque jour dans son entreprise. Notre ambition est de renforcer ce partenariat autour de l’intelligence artificielle pour accélérer l’innovation. La supply-chain du groupe Renault, c’est chaque jour près de 6 000 camions transportant des pièces et des véhicules en Europe.

BTL : Quelle est la force du Cermics (1), le laboratoire de mathématiques appliquées de l’école ?
D. L. V. : La maîtrise des algorithmes basés sur l’intelligence artificielle est indispensable : il faut des routes logistiques, optimiser les déplacements, réduire l’empreinte carbone, gérer les stocks, prioriser les véhicules. Et il faut avoir une idée des métiers innovants qu’offre le secteur de la logistique pour recruter et fidéliser les futurs talents. Enfin, les thèses et post-doctorats du Cermics apporteront des améliorations opérationnelles basées sur des méthodes mathématiques d’une grande complexité (optimisation combinatoire à grande échelle / optimisation data driven / optimisation stochastique / apprentissage automatique (machine learning) / théorie des jeux.

BTL : Est-ce à dire que la stratégie supply-chain du groupe Renault est en passe d’arriver à maturité ?
D. L. V. : Notre stratégie en matière logistique montre que nous avons déjà franchi plusieurs étapes. Aujourd’hui, nous en sommes à la digitalisation. Par exemple, nous avons maintenant des jumeaux numériques (2) fiables sur nos flux amont et bientôt sur nos flux aval. Notre mission consiste désormais à mettre en place l’automatisation de la décision, du type machine learning, qui va permettre d’aller au-delà de ce que le cerveau humain est capable de traiter. Il s’agit concrètement de traiter des volumes massifs de données (6 000 fournisseurs, 34 usines, 300 000 pièces différentes, 15 000 voitures/jour) dans des combinatoires à grande échelle. Ces données ne peuvent être traitées à l’aide de tableurs Excel. Nous arrivons donc au stade de la mise en place d’intelligences artificielles. Toutes les entreprises et les industries sont au début d’une aventure pour relever les défis de la digitalisation.

BTL : Comment s’insère ce partenariat dans le plan stratégique du groupe Renault ?
D. L. V. : Avec « Renaulution », le plan stratégique présenté en janvier 2021, le groupe démontre qu’il a anticipé les évolutions sociétales et les évolutions de l’automobile. Qu’il s’agisse de l’électrification ou du développement durable à long terme, c’est-à-dire la capacité à être efficace en termes d’émissions carbone et de recyclage au sens large ! En conséquence, nous avons réorganisé le groupe autour de ces enjeux. Résultat, nous avons créé une filiale, Horse, spécialisée dans les motorisations thermiques et hybrides et une société high-tech, Ampere, un pure-player du véhicule électrique et du software qui développe, fabrique et commercialise des véhicules particuliers électriques sous la marque Renault pour le marché européen.  De la même manière, le groupe a décidé de créer une supply-chain à la croisée des chemins de toutes ces entités pour garantir la maîtrise de nos données de flux de bout en bout, depuis nos fournisseurs et les fournisseurs de nos fournisseurs jusqu’à nos clients, pour la totalité des produits et services du groupe (3).

BTL : Très concrètement, vous devez tenir compte des incertitudes géopolitiques pour piloter vos flux d’approvisionnement ?
D. L. V. : La volatilité dans l’industrie n’a pas cessé d’augmenter, indépendamment de la nouvelle législation européenne vers la neutralité carbone. Nous avons vécu la crise de la Covid-19 et la crise liée à la pénurie des semi-conducteurs. Nous sommes encore dans la crise du transport et nous voyons arriver les incidents climatiques. À l’évidence, notre supply-chain s’organise autour de l’organisation de la résilience : comment le groupe réagit-il lorsque les crises arrivent ? Comment peut-il les anticiper pour rester agile ? Travailler sur l’optimisation des systèmes complexes avec les outils adaptés de l’intelligence artificielle développés par les travaux de  recherche de l’école des Ponts Paris-Tech est d’une  importance considérable.

(1) Le Cermics (Centre d’enseignement et de recherche en mathématiques et calcul scientifique) est coordonné par Axel Parmentier, enseignant et chercheur, reconnu au niveau international.
(2) Le concept de « jumeau numérique » permet aux chaînes d’approvisionnement d’établir des plans directeurs plus précis. Il est ainsi plus facile d’investir pour les entreprises dans des solutions de supply-chain amont sans subir des pertes financières considérables. Les entreprises sont plus à même de prévoir quelles quantités de stocks achetées auprès de leurs fournisseurs.
(3) L’organisation supply-chain du groupe travaille pour les marques Renault, Dacia, Alpine et Mobilize. Elle intervient d’une part sur la planification et l’ordonnancement des ventes, l’ordonnancement de la production en fonction de la demande commerciale et les opérations logistiques, transport et packaging en amont des usines.

Propos recueillis par Louis Guarino
Paru au Bulletin des transports et de la Logistique n° 3951, 4 déc. 2023.
 
Source : Actualités du droit