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Irrégularité de l’AMR douanier : discordance avec le PV quant au fait générateur

Transport - Douane
18/10/2023
La discordance manifeste entre un AMR, qui ne fait référence qu'au procès-verbal d'infraction, et ce dernier est pour l’opérateur une « source de confusion quant à la base juridique précise du redressement » et induit « une ambiguïté quant à une éventuelle requalification des faits » par la Douane : aussi, une cour d’appel en déduit exactement l’irrégularité de cet AMR, « qui ne constitue pas un acte de procédure soumis aux dispositions de l'article 114 du Code de procédure civile », selon un arrêt de la Cour de cassation du 11 octobre 2023.
Estimant qu’un opérateur bénéficie indument d’une réduction de TICPE et de TVA, la Douane a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) qui a été annulé par une cour d’appel. Pour cette dernière, cet avis est entaché d’irrégularité au motif qu'en visant la prise en compte de taux de taxation manifestement erronés, il aurait mentionné un fait générateur de la créance douanière distinct de celui figurant dans le procès-verbal de notification d'infraction qui l’a précédé, qui visait une minoration de l'assiette des taxes dues, « créant ce faisant une confusion quant à la base juridique précise du redressement ». Ce juge ajoute que cette discordance n’est pas couverte par le seul fait que l’AMR renvoie audit PV.
 
La Douane avance notamment les deux arguments suivants, mais en vain, pour « couvrir » cette discordance et donc l’irrégularité de son AMR.
 
Couverture du « vice de forme » par l’information de l’opérateur via le renvoi de l’AMR au PV ?
 
D’une part, la mention dans l’AMR d'un fait générateur erroné constitue un vice de forme qui ne peut entraîner la nullité de cet acte que s'il cause un grief à l’opérateur et qui peut donc être « couvert » par le procès-verbal de notification d'infraction visé par l'AMR, dont l’opérateur avait eu connaissance, qui mentionne le fait générateur exact de la créance douanière : ce faisant, l’administration plaide que la cour d'appel a violé l’article 345 du Code des douanes (relatif à l’AMR et en particulier à son contenu, dont le fait générateur qui serait de fait connu par l’opérateur, selon la Douane, par renvoi au PV) et l’article 114 du Code de procédure civile (qui dispose qu’« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public » et surtout que « La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public »).
 
Couverture de la discordance par l’information de l’opérateur via des pièces autres que le PV et l’AMR ?
 
D’autre part, en visant les mêmes textes, la Douane avance encore que la discordance pouvait être couverte au motif que l’opérateur avait été « clairement » informé « par l'ensemble des pièces de la procédure de contrôle autres que ce procès-verbal de notification » (en particulier l'avis de résultat d'enquête, un autre procès-verbal de notification précédent, un AMR postérieur, la lettre de la Douane précédant, un nouvel avis de résultat d'enquête et la lettre de la Douane précédant), que le fait générateur de la créance douanière qui lui était réclamée avait toujours été la minoration de l'assiette des taxes dues (du PV), de sorte qu'il ne pouvait prétendre avoir subi le moindre grief à raison de la mention d'un fait générateur erroné dans l'AMR.
 
Un double non pour la Haute cour
 
Pour la Cour de cassation, d’abord « c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de l'AMR, qui n'était ni clair ni précis, que la cour d'appel a estimé qu'il existait une discordance manifeste entre l'AMR » et le PV : autrement dit, la cour d’appel a justement et souverainement qualifié la discordance et la Haute cour n’aurait donc pas à entrer dans un débat de fait.
 
Ensuite, après avoir rappelé que le § 3 de l'article 345 précité dispose que l’AMR indique le fait générateur de la créance, la cour d'appel a retenu, là encore « par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis », que « la discordance entre l'AMR, qui ne faisait référence qu'au procès-verbal d'infraction, et ce dernier était source de confusion quant à la base juridique précise du redressement et induisait une ambiguïté quant à une éventuelle requalification des faits » par la Douane : aussi, les juges du fond en ont exactement déduit l’irrégularité de l'AMR, « qui ne constitue pas un acte de procédure soumis aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile ».
 
Remarques
S’il a certes déjà été jugé que la connaissance par l’opérateur du contenu de l’AMR par renvoi au PV qui le détaille/précise ne rend pas invalide cet avis, en revanche nous n’avons pas connaissance de cas en ce sens lorsque PV et AMR sont discordants au point de créer la confusion évoquée ci-dessus.
Source : Actualités du droit