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Précisions sur le caractère commercial d’une aide motivée par le développement d'une activité n’ayant généré aucun chiffre d’affaires

Affaires - Fiscalité des entreprises
30/08/2023
La circonstance qu'une aide soit motivée par le développement d'une activité qui, à la date d'octroi de cette aide, n'a permis la réalisation d'aucun chiffre d'affaires est néanmoins susceptible de conférer à l'aide un caractère commercial lorsque les perspectives de développement de cette activité n'apparaissent pas, à cette même date, comme purement éventuelles, précise le Conseil d’État dans un arrêt du 26 juillet 2023.
Pour mémoire, les dispositions du 13 de l’article 39 du CGI prévoient que sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre société, à l'exception des aides à caractère commercial.

L’abandon de créance est considéré comme commercial lorsqu’une société renonce à tout ou partie des créances qui lui sont dues par une autre société avec laquelle elle entretient une relation commerciale normale. La renonciation doit ainsi être liée à des transactions commerciales ou à des opérations courantes entre les deux parties.

En l’espèce, une société, exerçant une activité de conseil en système d'information et de gestion de participations détenues dans les domaines de l'informatique et de l'industrie, a consenti au profit de l’une de ses filiales un abandon de créance, le 19 juin 2014, qu’elle a déduit de ses résultats imposables au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2014.

À la suite d’une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de cet abandon de créance car il constituait selon elle « une aide à caractère financier » ne remplissant pas les conditions requises pour être admis en déduction.

Soutenant que l'abandon de créance consenti à sa filiale présentait un caractère commercial, la société a porté le litige devant les juges du fond. Elle se prévalait notamment d'une convention signée le 11 avril 2011 par laquelle elle concédait à sa filiale une licence d'utilisation de son savoir-faire relatif à la technologie dite « Renforts Tricotés
Tridimensionnels pour l'Injection » (RT2i) concernant la fabrication de produits à partir de matériaux composites.

Toutefois, le tribunal administratif ainsi que la cour administrative d’appel ont successivement rejeté la demande de la société tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés ainsi mise à sa charge.

La cour administrative d’appel a en effet retenu l’absence de relation commerciale entre la société et sa filiale. Selon la cour, « si la convention signée entre les parties prévoyait que les perfectionnements pouvant être apportés au savoir-faire demeureraient la propriété exclusive du concédant, il en ressortait également l'absence de rémunération en contrepartie du droit consenti à la filiale d'utiliser le procédé RT2i ».

Elle a également relevé que si la société avait vocation à se voir délivrer par sa filiale, tous les perfectionnements apportés par cette dernière à la technologie RT2i, et à les réutiliser dans le cadre de sa propre activité, il demeurait que « cette activité n'avait généré aucun chiffre d'affaires au cours de la période (…) et n'avait connu de développement qu'au cours des années ultérieures, ce qui attestait également l'absence d'une relation commerciale entre les deux sociétés ».

Dans un arrêt du 26 juillet 2023, le Conseil d’État précise que pour l’application des dispositions du 13 de l’article 39 du CGI « la circonstance qu'une aide soit motivée par le développement d'une activité qui, à la date d'octroi de cette aide, n'a permis la réalisation d'aucun chiffre d'affaires est néanmoins susceptible de conférer à l'aide un caractère commercial lorsque les perspectives de développement de cette activité n'apparaissent pas, à cette même date, comme purement éventuelles ».

Par suite, le Conseil d’État décide qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, à la date à laquelle l'abandon de créance avait été consenti, il existait pour la société une perspective de réaliser un chiffre d'affaires grâce aux perfectionnements apportés par la filiale à la technologie RT2i, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. L’arrêt de la cour administrative d’appel est annulé.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État relève qu’il résulte de l’instruction du dossier qu’à la date à laquelle la société à consenti l’abandon de créance son activité informatique ne présentait plus qu’un caractère résiduel. Il souligne toutefois que les perspectives de développement commercial de la technologie RT2i, dont la société était propriétaire, et qui était perfectionnée par sa filiale dans le cadre de la convention conclue entre les deux sociétés « apparaissaient sérieuses ».

Par conséquent, selon Conseil d’État, si l’abandon de créance pourrait avoir été motivé pour partie par « des considérations d'ordre financier » compte tenu des difficultés financières rencontrées par la filiale, l’abandon de créance doit cependant être regardé, dans les circonstances de l'espèce, « comme revêtant à titre prépondérant un caractère commercial ».

Le Conseil d’État décide de décharger la société de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie ainsi que des pénalités correspondantes. Le jugement du tribunal administratif est annulé.
Source : Actualités du droit