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Le conseil de discipline doit informer le fonctionnaire poursuivi de l’audition de témoins

Public - Droit public général
15/03/2023
Dans un arrêt rendu le 8 mars 2023, le Conseil d’État a rappelé que le principe du contradictoire imposait au conseil de discipline d’informer le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites de son intention d’entendre des témoins. Une absence d’information sur ce point entraîne un doute sérieux sur la légalité de la sanction adoptée à l’égard du fonctionnaire.
Dans cette affaire, un fonctionnaire demandait la suspension d’une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d’un sursis d’un an. Après un rejet par le juge des référés du tribunal administratif, il saisit le Conseil d’État, qui fera droit à sa demande du fait d’une absence de respect du contradictoire.
 
Possibilité de citer des témoins
 
L’article 6 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux prévoit la possibilité pour le fonctionnaire poursuivi de citer des témoins devant le conseil de discipline. L’article 7 du même texte précise que l’autorité territoriale « dispose des mêmes droits que le fonctionnaire poursuivi ».

La Haute cour déclare dans un arrêt rendu le 8 mars 2023 (CE, 8 mars 2023, n° 463478, Lebon T.) que ni ces dispositions ni aucune autre « n'imposent à l'administration d'informer le fonctionnaire poursuivi, préalablement à la séance du conseil de discipline, de son intention de faire entendre des témoins ou de l'identité de ceux-ci ».
 
Ainsi, l’administration n’a pas l’obligation d’informer le fonctionnaire de sa volonté d’entendre des témoins. En revanche, le conseil de discipline devra l’en informer. Le Conseil annonce donc qu’ « Il appartient au conseil de discipline de décider s'il y a lieu de procéder à l'audition de témoins. Il ne peut toutefois, sans méconnaître les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, entendre les témoins le jour même de la séance sans avoir mis en mesure le fonctionnaire poursuivi d'assister à leur audition ».
 
Respect du contradictoire
 
Le caractère contradictoire de la procédure impose donc au conseil de discipline de mettre le fonctionnaire en mesure d’assister à l’audition des témoins.
 
Toutefois, le Conseil rappelle que la présence du fonctionnaire lors de l’audition des témoins n’est pas obligatoire. Il considère que son absence n’empêche pas la tenue de l’audition, à condition que l’agent ait bien été informé de l’audition à venir et ait :
  • soit renoncé à assister à la séance
  • soit sollicité le report de l’audition sans donner de motif légitime.
 
En l’espèce, le fonctionnaire n’avait pas été informé de l’audition de témoins par l’administration. Le Conseil en conclut que le tribunal administratif a commis une erreur de droit « en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure n'était pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension était demandée ». Dans le cadre d’un référé-suspension (CJA, art. L. 521-1), deux conditions doivent être remplies pour prononcer la suspension d’une décision. La première, celle du doute sérieux quant à la légalité, est donc bien remplie. Sur la seconde condition, à savoir l’urgence, le Conseil considère qu’elle est également remplie car l’exclusion de fonctions prononcée à l’égard du fonctionnaire a pour effet de le priver de sa rémunération. Il prononce donc la suspension de la sanction.
 
Le Conseil d‘État reprend ici l’énoncé d’une décision de 2005 publiée au recueil Lebon (CE, 7 mars 2005, n° 251137), dans laquelle il avait déjà annoncé que l’audition des témoins devait être contradictoire : « Considérant qu'il appartient au Conseil de discipline de décider s'il y a lieu de procéder à l'audition de témoins ; qu'il ne peut, toutefois, sans méconnaître les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, entendre des témoins le jour même de sa séance sans avoir mis en mesure l'agent intéressé d'assister à leur audition ».
Source : Actualités du droit