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Les notes de frais de restauration du maire sont des documents communicables

Public - Droit public général
15/02/2023
Dans une décision du 8 février 2023, le Conseil d’État, qui se penchait sur la demande d’un journaliste d’accéder aux notes de frais de restauration de la maire de Paris Anne Hidalgo et des membres de son cabinet, a déclaré que ces documents constituaient bien des actes administratifs communicables au sens du Code des relations entre le public et l’administration.
Dans un arrêt du 8 février 2023 (CE, 8 févr. 2023, n° 452521, Lebon T.), le Conseil d’État déclare que les notes de frais des maires et élus locaux constituaient des documents administratifs communicables, et pouvaient donc être communiqués à toute personne qui en ferait la demande.
 
Un administré avait demandé à la Ville de Paris la copie des documents retraçant les frais de restauration ainsi que d’autres frais de la maire et de membres de son cabinet au titre de l’année 2017. L’administré a ensuite saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui a déclaré la demande sans objet pour les notes de frais, et a émis un avis favorable pour d’autres documents demandés. L’administré a ensuite saisi le tribunal administratif d’une demande d’annulation de la décision implicite de la Ville de Paris et d’une demande d’injonction de fournir les documents, et a obtenu gain de cause. La Ville de Paris saisit le Conseil d’État d’une demande d’annulation.
 
Absence de qualification des documents de budgets et comptes
 
Alors que la demande du requérant était fondée sur les dispositions du régime général d’accès aux documents administratifs prévu par le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), le tribunal administratif avait fondé sa décision sur celles du Code général des collectivités territoriales (CGCT). En effet, son article L. 2121-26, alinéa 1er, prévoit que « toute personne physique ou morale a le droit de demander communication (…) des budgets et des comptes de la commune ». En se plaçant d’office sur le fondement de cet article, le tribunal administratif a commis, selon le Conseil d’État, une erreur de droit.
 
Le Conseil déclare que le droit de communication des budgets et comptes « ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, lesquelles constituent des documents distincts des comptes visés par le droit de communication spécial établi par cet article du Code général des collectivités territoriales ».
 
Documents administratifs communicables au sens du CRPA
 
En revanche, le Conseil d’État déclare que « les notes de frais et reçus de déplacements ainsi que des notes de frais de restauration et reçus de frais de représentation d’élus locaux ou d’agents publics constituent des documents administratifs, communicables à toute personne qui en fait la demande ». Ainsi, la Haute cour permet à toute personne qui le souhaite d’obtenir la communication des notes de frais des élus locaux.
 
Le Conseil s’appuie sur plusieurs dispositions du CRPA :
  • l’article L. 300-2, qui définit les documents administratifs et cite à titre d’exemples « les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires », etc. ;
  • l’article L. 311-1, qui prévoit que les administrations « sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande » ;
  • l’article L. 311-6, qui écarte des documents communicables ceux « dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée », ou « faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice » ;
  • enfin, l’article L. 311-7, qui prévoit la possibilité d’occulter des mentions qui ne sont pas communicables, avant la communication du document.
 
En l’espèce, le Conseil déclare que « la communication des documents demandés, qui ont trait à l'activité de la maire de Paris dans le cadre de son mandat et des membres de son cabinet dans le cadre de leurs fonctions, ne saurait être regardée comme mettant en cause la vie privée de ces personnes ».
Sur le fait que les documents ne soient pas anonymisés, il annonce que « la communication des mentions faisant le cas échéant apparaître l'identité et les fonctions des personnes invitées ne porte pas davantage atteinte, par principe, à la protection de vie privée de ces autres personnes ».
 
Il permet toutefois, à titre exceptionnel, l’occultation de certains éléments des documents, mais seulement si la communication de certaines informations risque de porter atteinte à certains intérêts ou secrets protégés par le CRPA.
 
Il annonce ainsi qu’ « il appartient à l'autorité administrative d'apprécier au cas par cas, à la date à laquelle elle se prononce sur une demande de communication, si, eu égard à certaines circonstances particulières tenant au contexte de l'évènement auquel un document se rapporte, la communication de ces dernières informations ou celle du motif de la dépense serait de nature, par exception, à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, justifiant alors leur occultation ».
 
Le Conseil enjoint donc à la Ville de Paris de réexaminer la demande de communication des notes de frais.
 
Source : Actualités du droit