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Droit souple : une « foire aux questions » peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir

Public - Droit public général
08/02/2023
Dans un arrêt du 3 février 2023, le Conseil d’État déclare qu’une prise de position des services du ministre de l’économie, des finances et de la relance dans une « foire aux questions » constitue un acte susceptible de recours.
Dans une décision du 3 février 2023 (CE, 3 févr. 2023, n° 451052, Lebon T.), le Conseil d’État admet un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’une « foire aux questions » rédigée par les services du ministre de l’économie.
 
Acte de droit souple
 
En l’espèce, le requérant demandait l’annulation d’une « foire aux questions » relative au fonds de solidarité en faveur des entreprises en tant qu’elle excluait certains loueurs du bénéfice de ce fonds mis en place dans le cadre de l’épidémie de Covid, prévu par l’article 1er de l’ordonnance du 25 mars 2020. Le fonctionnement de ce fonds est précisé par un décret du 30 mars 2020, qui fixe les conditions d’attributions des aides versées.
 
La « foire aux questions » contestée pose la question : « Les loueurs en meublés non professionnels sont-ils éligibles au fonds de solidarité ? », et y répond : « Non, les loueurs en meublés non professionnels ne sont pas éligibles au fonds », ce qui était contesté par le requérant.  
 
La question était de savoir si cette « foire aux questions » pouvait faire l’objet d’un recours. Les actes dits de droit souple sont en effet des actes qui sont a priori non contraignants et ne peuvent en principe pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Le Conseil d’État a toutefois admis qu’un certain nombre de ces actes pouvaient faire l’objet d’un recours.
 
Dans une décision GISTI de section du 12 juin 2020 (CE, sect., 12 juin 2020, n° 418142, Lebon), la Haute cour avait déclaré que pouvaient être déférés au juge de l’excès de pouvoir « Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent (…) lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. ».
 
Effets notables sur la situation du bénéficiaire
 
Dans son arrêt du 3 février 2023, le Conseil rappelle cette solution et admet le recours contre la « foire aux question ». Il explique que par la question-réponse, les services du ministre font part de leur interprétation de l’ordonnance et du décret de mars 2020, et déclare : « Eu égard à sa teneur, cette interprétation du droit positif, émise par les services chargés d'instruire les demandes d'aides au titre du fonds de solidarité puis de procéder, le cas échéant, au versement de ces aides, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui souhaitent bénéficier des mesures de soutien mises en place ». C’est donc le fait que cette interprétation puisse avoir des effets notables sur la situation des bénéficiaires qui conduit le Conseil d’État à admettre le recours. Il écarte ainsi la fin de non-recevoir qu’avait opposée le ministre de l’économie, qui faisait valoir que la réponse à la question était insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
 
La Haute cour s’était déjà penchée sur le cas d’une « foire aux questions », en admettant un recours à l’encontre d’une prise de position de la CNIL mise en ligne dans une « foire aux questions » (FAQ). Elle avait indiqué qu’eu égard à sa teneur, cette prise de position était susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui se livrent à des opérations d'affiliation et sur celle des utilisateurs et abonnés de services électroniques, et qu’elle pouvait ainsi faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (CE, 8 avr. 2022, no 452668 et no 459026, Syndicat national du marketing à la performance et Collectif des acteurs du marketing digital, Lebon).
 
Source : Actualités du droit