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La loi Climat & Résilience dote le BEA-RI d’un cadre légal

Environnement & qualité - Environnement
23/09/2021
Au sein du titre VII de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, Climat & Résilience, consacré au renforcement de la protection judiciaire de l’environnement, l’article 288 crée un chapitre relatif aux enquêtes techniques post-accidents. Celui-ci offre notamment au BEA-RI le cadre légal attendu depuis décembre 2020.
Au sein du Livre V du code de l’environnement « Prévention des pollutions, des risques et des nuisances », le titre préliminaire s’intitulait jusqu’à présent « Conseil supérieur de la prévention des risques » et ne comportait aucune disposition. Pour y introduire les enquêtes techniques et actualiser le nom exact du Conseil, la loi Climat & Résilience vient ajuster l’intitulé de ce titre préliminaire qui devient « Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques et enquêtes techniques » et créer un chapitre unique sur ces enquêtes (C. env. art . L. 501-1 et s.). Celui-ci consacre le cadre légal indispensable à l’exercice des missions du bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels, BEA-RI. Pour mémoire, la nécessité d’un tel BEA était apparue à la suite de l’incendie de Lubrizol survenu en septembre 2019. Pour créer ce dernier BEA, seuls avaient été adoptés un décret (D. n° 2020-1541, 9 déc. 2020), un arrêté (Arr. 9 déc. 2020, NOR : TREK2030993A) et une instruction (Instr., 22 janv. 2021, NOR : TREV2035519C)… manquait le cadre législatif.

Champ d’application des enquêtes techniques
Tout accident survenu dans « dans les installations, mines, réseaux et produits et équipements » listés à l’article L. 501-1.-I, peut faire l’objet d’une enquête technique, à l’initiative du responsable au BEA ou du ministre chargé de l’environnement. Sont ainsi visés, les ICPE, les mines, réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution de fluides à risques, les produits et équipements à risques, les infrastructures liées au transport de marchandises dangereuses.
Cette enquête est systématique en cas d'accident majeur entraînant des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l'air, du sol ou de l'eau et devant faire l'objet d'une notification à la Commission européenne, survenu sur une installation Seveso.
Sont  en revanche exclues de ce dispositifs d’enquête, car relevant de leur propre procédure d’investigation :
  • les installations et activités relevant de la police spéciale de l'Autorité de sûreté nucléaire ;
  • les activités, installations, ouvrages et travaux relevant du ministre de la défense ou pour lesquels celui-ci est l'autorité administrative compétente
Procédure et pouvoirs du BEA-RI
Au terme de l’article L. 501-5, c’est le bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels, BEA-RI, organisme permanent spécialisé, qui effectue l’enquête. Ont la qualité d’enquêteur, les membres de ce bureau et le cas échéant, les membres d'une commission d'enquête constituée par ce bureau et les membres des corps d'inspection et de contrôle ou des experts de nationalité française ou étrangère, sollicités par ce même bureau.
Ils agissent en toute indépendance et ne reçoivent ni ne sollicitent d'instructions d'aucune autorité ou organisme avec lesquels il pourrait y avoir conflit d’intérêt. Le ministre chargé de l'environnement et le représentant de l'Etat territorialement compétent sont informés de l'ouverture de l'enquête. Il est à noter que les frais d'expertises et d'analyses peuvent être mis à la charge de l’exploitant, sans préjudice de l'indemnisation des dommages subis par les tiers.
Sous réserve de l’information préalable de l'autorité judiciaire et du respect de règles liées à la bonne articulation avec une éventuelle enquête ou information judiciaire, les enquêteurs techniques peuvent notamment :
  • immédiatement accéder au lieu de l'accident et à l'ensemble des éléments techniques utiles à la compréhension des causes et circonstances de l'accident ;
  • prendre toute mesure de nature à assurer la préservation des indices, en tenant compte des nécessités de la mise en sécurité des lieux ;
  • rencontrer toute personne concernée et obtenir, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, communication de toute information ou de tout document concernant les circonstances, entreprises, organismes et matériels en relation avec l'accident et concernant notamment la conception, la construction, la maintenance et l'exploitation de l'installation ou de l'équipement impliqué ;
  • demander communication de toute information ou de tout document à caractère personnel concernant la formation, la qualification ou l'aptitude à la fonction des personnels impliqués (dans le respect du secret médical).
Les personnels du BEA-RI et les personnes chargées de l'enquête sont tenus au secret professionnel.
Le responsable du BEA est habilité à transmettre des informations résultant de l'enquête technique, s'il estime qu'elles sont de nature à prévenir un accident et à rendre publiques des informations à caractère technique et, éventuellement, ses conclusions provisoires.
Au terme de l’enquête, un rapport « anonymisé » est établi et rendu public par le BEA-RI. Ce rapport ne fait état que des informations résultant de l'enquête nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident et à la compréhension des recommandations de sécurité. En cas d'ouverture d'une procédure judiciaire, le procureur de la République reçoit copie de ce rapport d'enquête technique.

Sanctions
Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (portée jusqu'au quintuple pour les personnes morales) le fait d'entraver l'action des enquêteurs techniques. En outre, les personnes morales peuvent se voir interdire, en application de l’article 131-39 du code pénal, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement l'activité dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

Un décret en Conseil d'Etat est attendu pour préciser les conditions d'application de ces dispositions législatives.
Source : Actualités du droit