Retour aux articles

Parquet européen : précisions sur les modalités d’application

Pénal - International
01/06/2021
Le Parquet européen commence ses activités ce 1er juin 2021. Un décret du 31 mai, est venu indiquer comment les autorités judiciaires françaises doivent signaler aux procureurs européens délégués, les procédures susceptibles de relever de leur compétence, les modalités d’exercice de sa compétence par le procureur européen délégué ainsi que le déroulement des procédures qu'il suit.
Le 26 mai 2021, la Commission européenne a officiellement confirmé que le Parquet européen commencerait ses activités le 1er juin. « Le tout premier bureau indépendant de l'UE chargé de mener des enquêtes et des poursuites visant les infractions qui portent atteinte au budget de l'Union » précisait la Věra Jourová, vice-présidente.
 
Pour mémoire, le 12 octobre 2017, un règlement européen mettant en œuvre une coopération renforcée pour la création du Parquet européen était adopté (Règl. Cons. UE n° 2017/1939, 12 oct. 2017, JOUE 31 oct.). Puis, la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, JO 26 déc.) est venue adapter la procédure pénale française au nouveau Parquet européen (v. Parquet européen : la loi adaptant la procédure française publiée, Actualités du droit, 4 janv. 2021).
 
Un décret publié le 1er juin 2021, jour du lancement des activités du Parquet européen, précise les modalités d’application. Un nouveau titre dans la troisième partie du Code de procédure pénale est inséré.
 

Infractions devant être signalées
Les infractions commises après le 20 novembre 2017 relevant de la compétence du Parquet européen et pour lesquelles doit être procédé aux signalements au Parquet par l’intermédiaire du procureur de la République compétent sont listées.
 
Il s’agit des délits d’escroquerie, d’abus de confiance, de soustraction, détournement ou destruction de biens, de corruption, de contrebande, de blanchiment s’ils portent atteinte aux recettes perçues, aux dépenses exposées ou aux avoirs qui relèvent du budget de l'Union européenne, des budgets des institutions, organes et organismes de l'Union européenne ou des budgets gérés et contrôlés directement par eux, et si le montant du préjudice causé est susceptible d'être au moins égal à 10 000 euros. Lorsqu’il est d’un montant inférieur à 10 000 euros, le signalement ne doit intervenir que si « les répercussions du dossier à l'échelle de l'Union sont de nature à rendre nécessaire la conduite d'une enquête par le Parquet européen », si « des fonctionnaires ou d'autres agents de l'Union, ou des membres des institutions de l'Union pourraient être soupçonnés d'avoir commis l'infraction » ou lorsqu’il n’est pas possible de déterminer si l’un de ces critères est rempli.
 
Aussi, sont concernées les infractions portant sur la TVA si le montant du préjudice total en résultant s’élève à au moins dix millions d’euros ou si l’infraction a un lien avec le territoire d'au moins deux États participant à la coopération renforcée concernant la création du Parquet européen.
 
Le délit d’association de malfaiteurs doit être signalé lorsqu’il vise à la préparation et à la commission de l’une de ces infractions. Enfin, le signalement concerne toutes les infractions connexes lorsqu’elles sont indissociablement liées avec ces délits.
 

Modalités du signalement
Les signalements au Parquet européen sont adressés au procureur européen délégué soit par le procureur de la République financier si l’infraction relève de sa compétence ou par le procureur de la République territorialement compétent près la juridiction interrégionale spécialisée en matière économique et financière. Ainsi, tout procureur de la République, toute juridiction d’instruction ou toute autorité constituée, officier public ou fonctionnaire qui a connaissance ou qui est saisie d’une des infractions devant être signalées en avise, « en lui transmettant par tout moyen une copie de la procédure, le procureur de la République financier ou le procureur de la République spécialisé ». En cas d’urgence notamment, ces autorités « peuvent adresser simultanément au procureur européen délégué les signalements ».
 
Lorsque l’infraction est prévue par le Code des douanes, l’administration des douanes est informée de la transmission ainsi que du signalement.
 
Les signalements et avis doivent comprendre :
  • une description des faits ;
  • la ou les qualifications juridiques possibles ;
  • toute information disponible sur les personnes impliquées ;
  • s’il existe une ou plusieurs infractions connexes ;
  • s’il y a lieu de supposer que le préjudice causé ou susceptible d'être causé aux intérêts financiers de l'Union n'excède pas le préjudice causé ou susceptible d'être causé à une autre victime ;
  • si l’autorité judiciaire estime que le Parquet européen pourrait ne pas exercer sa compétence.
 
Compétence du procureur européen délégué
« Le magistrat national initialement saisi de l'enquête adresse sans délai l'ensemble de la procédure au procureur européen délégué dès que ce dernier l'avise qu'il retient sa saisine » prévoit le texte. La décision de dessaisissement étant insusceptible de recours. En cas de conflit de compétences, c’est au procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve la juridiction interrégionale spécialisée en matière économique et financière de décider si les investigations seront poursuivies par le procureur de la République ayant refusé de se dessaisir, ou, si ce dernier est le procureur de la République financier, le procureur général près la cour d'appel de Paris. Le procureur compétent pourra aussi décider que les investigations seront poursuivies par l’administration des douanes lorsque l’infraction relève du Code des douanes.
 
Précision : « La décision du procureur général, qui constitue une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours, est adressée par tout moyen et dans les meilleurs délais au procureur de la République et au procureur européen délégué ».
 
Le texte apporte enfin des précisions procédurales lorsque le procureur européen délégué conduit les investigations conformément aux dispositions applicables à l'instruction, en application de l’article 696-114, notamment concernant les décisions pouvant faire l’objet d’un appel. De même pour la procédure de l’article 696-119, lorsque le procureur européen délégué ordonne le placement de la personne mise en examen sous contrôle judiciaire. En outre, le texte précise que « Lorsque, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 696-109, le procureur européen délégué exerce les fonctions de procureur général devant la chambre de l'instruction ou devant la chambres des appels correctionnels, il peut former un pourvoi en cassation contre les décisions rendues par ces juridictions, dans les conditions prévues par articles 567, 568 et 585-2 ».
 
 Le Parquet européen est lancé ce 1er juin 2021, cela « ouvre ainsi un nouveau chapitre dans la lutte contre la criminalité transfrontière » soulignent la vice-présidente Vera Jourová, le commissaire Johannes Hahn et le commissaire Didier Reynders. Encourageant tous les États membres de l’Union d’y adhérer, ils soutiennent que « La criminalité ne connaît pas de frontières, nous devons donc la combattre ensemble ».
 
 
Source : Actualités du droit